Ningura Napurrula
Apporter le témoignage direct d’une personne ayant vécu de façon nomade, à l’âge de pierre, c’est-à-dire dans une époque où la technique a joué un rôle faible mais qui a valorisé les connaissances accumulées durant des décennies, voilà où Ningura puise son énergie jusqu’à son décès. Ningura, l’une des doyennes de Kintore, comme d’autres artistes tels que Ronnie Tjampitjinpa, Mrs Bennett… peignait avec une énergie redoublée alors que, physiquement, son corps semblait l’abandonner.
Jusqu’au dernier moment son énergie, ce souffle est perceptible dans ses compositions. Aucune hésitation dans sa peinture, le premier jet, aux motifs évoquant le pays maternel, dont elle est la gardienne spirituelle aujourd’hui, est réalisé comme une calligraphie, sur laquelle elle va revenir avec la technique pointilliste chère aux artistes aborigènes. Parfois à la brosse, en utilisant une peinture non diluée et en ne nettoyant pas son pinceau, donnant ainsi des aplats aux beaux effets de matière ; le plus souvent aux bâtonnets. Ningura (née sans doute vers 1938) était encore une jeune femme (entre 20 et 30 ans) lorsqu’elle quitta le désert de Gibson pour la première fois, emmenée par une patrouille avec son mari Yala Yala Gibbs Tjungurrayi. Il s’agit de son premier contact avec l’homme blanc.
Au départ, Ningura a complété le fond pointilliste de quelques toiles de son mari (aidée par les deux autres femmes de Yala Yala). Elle ne se mettra à peindre ses propres motifs qu’en 1996. En 1998, à la suite du décès de Yala Yala, elle peint davantage pour nourrir sa famille. En 2003, la poste australienne émet un timbre reproduisant l’une de ses œuvres. À la même période, elle est remarquée lors de prix artistiques prestigieux, et ses toiles sont exposées régulièrement dans les grandes capitales occidentales et australiennes. Mais c’est surtout sa sélection avec sept autres artistes aborigènes pour peindre une partie des décors du musée du quai Branly de Paris qui retient l’attention. Depuis, sa notoriété et la demande pour ses œuvres ont fait un bond et le musée des Confluences de Lyon a également acquis un grand format. Sa vision artistique mérite vraiment les éloges, car Ningura a su créer un style personnel, marqué par ses fonds blancs ou crème, où le noir et l’ocre forment les éléments traditionnels. Elle s’inspire essentiellement des Rêves associés au site de Wirrulnga et Papunga, dont elle peint les dunes qui l’entourent. Un groupe important de Femmes (Ancêtres) de la sous-section des Napaltjarri a campé sur ce site avant de reprendre son voyage vers Muruntji (au sud-ouest de Mount Liebig). Elles ont confectionné des jupes cérémonielles que Ningura a symbolisées par les motifs incurvés. Kutungka Napanangka, une Ancêtre importante, est également passée par là. Elle est souvent considérée comme un être un peu « diabolique » parce qu’elle a tué et mangé de nombreuses personnes. Les motifs possèdent une fois de plus une multitude de sens. Les larges bandes représentent à la fois les bâtons à fouir et les poteaux décorés pour les cérémonies, et elles symboliseraient aussi un accouchement.
Ningura, épuisée, s’éteint en novembre 2013.
Collections :
Art Gallery of New South Wales,
Musée du Quai Branly
Museum and Art Galleries of the Northern Territory,
National Gallery of Australia,
National Gallery of Victoria,
Art Gallery of South Australia,
Artbank,
Australian Institute for Aboriginal and Torres Strait islander Studies, AIATSIS,
projet architectural du Musée du Quai Branly,
Musée des Confluences,…